Quitter Barafles, passer par Rebreuve-Ranchicourt, j’aperçois un plan d’eau, des pêcheurs postés autour : des hérons à l’affût… Cela m’intrigue, impose l’arrêt !
Nous voyons un panneau un peu plus loin : « la Brette », aller à pieds jusqu’au pont : prudence, la circulation est plus importante, la route s’est faite passante.
Au pied du pont, un barrage bricolé de panneaux récupérés, Émilie rit, voit même un « friterie » à travers l’eau, elle me montre. La Brette est dirigée vers une grille, d’évidence une prise d’eau ; derrière, un hangar, de l’eau pisse du plafond, et par-delà, un étang : des gens qui pèchent au loin. Cela m’interpelle, me donne l’envie d’aller voir.
En retournant, nous passons devant une grille ouverte, un garçon pêche. Poursuivre. Sur notre droite, un food truck déserté, proche de la route, nous voyons la pancarte : « Le Domaine du Pont Prieur », et d’autres panneaux qui déclinent le lieu…
Chercher une porte d’entrée, est grande ouverte, avec le règlement de pêche qui annonce la couleur ; nous entrons dans l’antre des pêcheurs : au fond à droite, un bar. Je sollicite l’homme, pour prendre deux cafés ; il est jeune, plutôt sans entrain, comme blasé ; au-dessus du bar, des infos et des images : un placard de pêcheurs avec leur prise, posant fièrement pour la photo…
Je me fais un film américain, ambiance bayou, où un personnage se retrouve dans un endroit paumé, atmosphère nonchalante, rurale ; on se sent à peine accueilli, entre indifférence et résignation : l’endroit est désert, un ‘local’ traîne près du bar, passablement éméché ; on pourrait croire qu’on attend le client, mais en fait, il ne se passe jamais rien…
Bon, sortir du film, Émilie a entamé un échange avec le barman, il a travaillé pour l’Agglo… Je lui parle de ma curiosité pour l’endroit, j’apprends qu’ici on pêche la truite, rien que la truite, en face, de l’autre côté de la route, c’est la carpe, rien que la carpe… mais ne sont pas ouvert en ce moment… Je tente d’intéresser l’homme plus âgé qui est assis à côté du bar, penché sur un registre, occupé sans doute par les affaires du lieu. J’amorce, il lève le nez ; j’embraie sur la vue par la fenêtre et aussitôt je ferre avec ce-que-j’ai vu qui-coule-dans-le-hangar : j’ai fait mouche, le patron va nous emmener voir !
L’homme est affable, explique, c’est un passionné, il a repris cette affaire avec sa femme ; leur activité prend.
Au hangar, il nous explique le fonctionnement : la prise d’eau ; l’eau qui oxygène les bassins dans le hangar, d’ailleurs, il vient de recevoir de nouvelles truites, elles ont quelques jours pour s’acclimater avant qu’il ne les relâche dans les bassins selon des quotas définis. L’eau sort ensuite dans un bassin attenant et circule dans les autres étangs avant de s’écouler en aval dans la rivière : c’est la règle. L’agence de l’eau suit ça. Nous montre son épuisette, le fumoir à côté, s’en sert à la demande des clients qui veulent faire fumer leurs truites, ça prend 3 jours, il utilise de la sciure de hêtre.
Nous raconte ses soucis quant aux fluctuations des niveaux d’eau, en ce moment, le débit du cours d’eau baisse et puis, le développement des algues : ça vient des nitrates, et pour peu qu’il fasse chaud… A bien mis des carpes « Amour », ça limite.
Nous parle aussi des gens qui viennent et laissent leurs déchets en partant, ou trichent sur la capture des truites. On se rend compte de l’impact des comportements sur son morale, des règles qu’il doit faire évoluer, pas de tout repos son affaire, mais on sent bien qu’il aime cette activité, mais elle reste fragile.
A côté, le jeune, que j’avais vu au départ par la grille, exulte, il vient de capturer une truite, le père (enfin, je suppose) arrive à la rescousse. Le garçon passe près de nous, rayonnant.
Nous échanges se poursuivent… au loin, nous voyons un pêcheur qui se dirige vers nous, une belle truite pendant à sa main. En arrivant, il échange avec le responsable : il a trouvé l’animal remontant à la surface ; notre hôte l’observe, manipule, pas de trace de coups de bec, la mort n’est pas due à un héron. Il nous explique que les asticots ont été interdits pour la pêche, ça fait mourir les truites quand elles les avalent : « ça les bouffent de l’intérieur ». Je sens que notre homme en aurait encore à nous raconter… Mais c’est le moment opportun pour prendre congé ; l’échange m’en a appris, plus que j’en espérais, une belle rencontre : un détour inattendu de la Brette.